Les Ogres de Barback

DU SIMPLE AU NEANT

Nouvel album [4 avril 2007 - Irfan, le label] / Nouveau spectacle en tournée

Après une saison 2005-06 qui l’aura vu sortir pas moins de deux disques live et un double dvd [certifié Dvd d’Or, et en passe de l’être doublement], effectuer une tournée triomphale [plus de 80 dates à guichets fermés sur des jauges moyennes de plus de 1 000 places, hors festivals !], la fratrie Burguière, « quatuor le plus atypique de toute la francophonie » selon les Francofolies de Montréal, est déjà de retour dans les bacs et reprend la route pour présenter son nouveau spectacle. Insatiable !

Et de dix ! Ce qui, sans avoir l’air d’y toucher, impose tranquillement le terme de carrière. Ce nouvel album studio, qui fait suite à deux disques enregistrés en public, en surprendra plus d’un. Tout d’abord, ceux qui n’ont pas senti poindre ces dernières années, essentiellement sur scène [puisque non relayée par une production discographique], ce qu’il convient d’appeler une nouvelle maturité. Ceux qui, pour ne les avoir jamais véritablement écouté, n’auraient songé à les appréhender autrement que comme un groupe festif ne trouveront sur ce disque quasiment aucun espace où leur coller cette étiquette. Mais il étonnera également les familiers des Ogres, tant il marque un élargissement vers de nouveaux territoires musicaux.

Ainsi, sur Du simple au néant [qui succède à Terrain Vague, sorti en 2004 et écoulé à plus de 50 000 unités], les Ogres sont partis en ballade hors de leur champ musical pour constituer leurs traditionnelles liste d’invités et série de nouveaux instruments. Ainsi, tout en restant immédiatement identifiable, ce disque, qui jouit une nouvelle fois d’une précision de joaillier au niveau des arrangements, accueille en son sein un certain nombre de compositions qui marquent une véritable évolution musicale.

La plume de Fred reste, quant à elle, plongée dans l’encre d’un engagement citoyen, ose parfois la colère, et exsude plus encore que d’ordinaire, sans pour autant jamais dégouliner, une profonde humanité. Substantif qui, doté ou non d’une majuscule, s’impose sans prétention comme le thème central de cet album. Il n’est dès lors pas étonnant qu’un homme tel que Daniel Mermet [qui lit ses textes sur deux morceaux, et met son fameux répondeur à disposition ici où là] ait collaboré à ce projet. Tout comme entrent fortement en résonance certaines pensées qu’ont accepté de prêter messieurs Hubert Reeves et Albert Jacquard. Qu’il évoque la condition des immigrés en France, la difficulté à vieillir, les drames singuliers de la déportation, les violences faites aux femmes au nom de la religion, le bonheur de la paternité ou qu’il pioche dans l’éventail infini des relations humaines, cet album est parfois sombre, ou mélancolique, mais jamais désabusé. Et apparaît, dans la discographie du groupe, comme celui qui est le plus porteur de sens.

Enfin, cet album ne serait pas ce qu’il est si les Ogres n’avaient bousculé une autre de leurs habitudes en sollicitant, pour la première fois, un professionnel extérieur à leur entourage pour lui en confier le mix. Attirés par la qualité de son travail [avec Noir Désir, Sonic Youth, Jon Spencer, Public Enemy, Zebda…], c’est à Nick Sansano qu’ils ont remis leurs bandes, en prenant soin de le laisser, dans un premier temps, travailler en toute liberté dans son studio new-yorkais, avant de l’y rejoindre pour finaliser l’ouvrage. Bien leur en a pris tant le maestro, en prenant parfois le parfait contre-pied de ce qui leur semblait évident, les a conduits sur de nouveaux chemins. Et apporté sa précieuse pierre à ce projet, qui marquera, en tout état de cause, une étape majeure dans le parcours des Ogres.

Dixième disque, soit. Sacrément loin d’être le dix de der